14. September 2006 - La Tribune

Le pape évite les sujets qui fâchent et fait passer son message

Le pape Benoît XVI s'apprêtant à quitter l'Allemagne.

par Tom Heneghan

MUNICH, Allemagne (Reuters) - Dans les sermons et les discours qu'il a prononcés pendant sa visite en Bavière, le pape Benoît XVI a réussi à éviter de parler des problèmes clés auxquels se heurte l'Eglise catholique, tout en faisant passer son message conservateur sur ces sujets-là.

Benoît XVI, dont la tournée de six jours a pris fin jeudi, n'a pour ainsi dire pas eu un mot sur les réformes de l'Eglise souhaitées par une majorité d'Allemands, comme l'ordination des femmes, la fin du célibat des prêtres et, sujet mentionné le plus fréquemment, la communion commune pour les catholiques et les protestants.

Toutefois, pour qui va au-delà des images qu'il a invoqué dans ses sermons ou du savoir dont il a fait montre lors d'une conférence universitaire, il n'a pas pour autant négligé ses propres points de vue.

"Il est clair qu'il veut arrondir les angles, adopter un ton amical, sans avoir à modifier les dogmes rigides de l'Eglise", estime le théologien Hans Küng, dont les idées libérales sont une constante source d'irritation pour le Vatican, depuis des décennies.

Pour Jörg Beyer, dont le groupe Réseau oecuménique espère que le Vatican autorisera un jour ou l'autre catholiques et protestants à recevoir ensemble la communion, le souverain pontife a mis de côté la démarche de confrontation qu'il avait lorsqu'il veillait à la doctrine de l'Eglise, avant d'être élu pape.

Contrairement au style qu'il avait à la tête de la Congrégation pour la doctrine de la foi, il tient aujourd'hui un discours très clair pour éviter toute friction inutile, ajoute Beyer.

Christian Weisner, de "Nous sommes l'Eglise", un réseau de catholiques engagés, se souvient de la manière dont Jean Paul II avait l'habitude de dire sans ambages aux jeunes catholiques qu'il ne fallait pas avoir de relations sexuelles avant le mariage.

L'an dernier, aux Journées mondiales de la jeunesse à Cologne, Benoît XVI a invité ces mêmes jeunes à lire le nouveau précis de catéchisme de l'Eglise catholique. Or, le même message y figure, mais il n'a pas tenu à le dire, a fait remarquer Weisner.


APPEL DU PRÉSIDENT ALLEMAND

Lundi, Benoît XVI s'est plaint du manque de prêtres, qui éclaircit les rangs du clergé dans nombre de pays. Comparant les prêtres aux travailleurs des vignobles, dans la Bible, il a imploré Dieu: "Regarde notre monde et envoie nous des travailleurs!"

Le sermon, selon l'analyse de Weisner, se réduisait en somme à un message simple: l'Eglise doit ignorer les appels en faveur des femmes prêtres ou de la fin du célibat des prêtres, réformes que les trois quarts des Allemands soutiennent pourtant à en croire un récent sondage.

Inaugurant un nouvel orgue jeudi dans une église, le pape a remarqué que chaque tuyau devait être accordé, faute de quoi la musique devenait dissonante; ces propos ont sonné comme une pique en direction des ecclésiastiques libres penseurs plutôt que comme une réelle réflexion sur le fonctionnement des orgues.

Lorsqu'il fut à la tête de la Congrégation pour la doctrine de la foi, de 1982 à 2005, le pape, alors cardinal Joseph Ratzinger, s'en était pris aux tenants de la théologie de la libération en Amérique latine et avait sanctionné nombre de théologiens "libéraux".

Le président allemand Horst Köhler, qui est protestant, a oublié le protocole lors de son discours d'accueil du pape, pour lui demander de promouvoir davantage l'unité des chrétiens.

Mais lors d'un service oecuménique, mercredi, Benoît XVI n'a pas fait mention de la question de la communion commune. Au lieu de cela, il a évoqué une autre vision de l'unité, fondée sur les efforts pour mettre l'accent sur les valeurs éthiques communes.

Le discours clair que tient Benoît XVI plaît à un grand nombre de catholiques, mais, selon ses détracteurs, ce qu'il ne dit pas va finir par se faire entendre plus que ce qu'il dit. "A terme, cela causera du tort à l'Eglise parce que les gens s'en rendront compte", déclare Küng.

Zuletzt geändert am 18­.09.2006