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Veröffentlicht am 22­.09.2011

22.9.2011 rfi

Benoît XVI en Allemagne: un étranger en son pays

Par Pascal Thibaut
Le pape Benoit XVI se rend à compter de ce jeudi 22 jusqu’à dimanche 25 septembre en Allemagne pour sa première visite officielle. Mais l’euphorie qui avait marqué l’élection de Joseph Ratzinger au printemps 2005 a disparu. 86% des Allemands ne jugent pas cette visite importante. Elle s’accompagne de critiques au sein de l’Eglise catholique et au-delà.

De notre correspondant à Berlin
« Wir sind Papst » (« Nous sommes pape »). La Une du quotidien populaire Bild Zeitung après l’élection du premier souverain pontife allemand après près de 500 ans est devenue légendaire. Six ans plus tard, le groupe de presse Springer qui publie le journal a accroché sur les façades de son siège berlinois deux gigantesques posters de 65 mètres de haut reproduisant cette une.

Mais l’euphorie de l’époque n’est pas représentative. L’engouement des Allemands a laissé place à une indifférence générale voire au scepticisme. Les sondages sur les positions de l’Eglise catholique en matière sociétale reflètent cette évolution. Près de 9 Allemands sur 10 remettent en cause le célibat des prêtres, l’interdiction faite aux femmes d’être ordonnées ou encore le rejet par l’Eglise de l’homosexualité considérée comme un pêché.

Des positions d’ailleurs également critiquées au sein de l’Eglise comme parmi les responsables politiques allemands de confession catholique. Norbert Lammert, président du Bundestag, le Parlement, qui a invité le pape à y prendre la parole ce jeudi a plaidé pour l’abandon du célibat des prêtres. Le président de la République, Christian Wulff, lui-même concerné, s’est prononcé avant l’arrivée de Benoit XVI pour la levée de l’interdiction de la communion aux personnes remariées. La chancelière Merkel qui dirige certes un parti confessionnel, la démocratie-chrétienne allemande, avait critiqué le pape ouvertement – du jamais vu – lorsque ce dernier avait levé l’excommunication d’intégristes catholiques.

A ces critiques de fond s’ajoutent les conséquences encore perceptibles des scandales de l’an dernier après les révélations autour de nombreuses agressions sexuelles commises par des prêtres sur des enfants dans le passé. Les trois quarts des Allemands dans un sondage récent estiment que la réaction de l’Eglise catholique n’était pas à la hauteur. Ces scandales expliquent sans doute pour partie le nombre encore plus important de personnes qui l’an dernier ont claqué la porte de l’Eglise catholique. On est en Allemagne membre de l’institution et on s’acquitte d’un impôt d’Eglise. Un retrait passe par un acte administratif.

Le Vatican doit depuis longtemps faire face en Allemagne à des catholiques critiques. Ainsi le mouvement laïque « Wir sind Kirche » (« Nous sommes l’Eglise ») est omniprésent actuellement et ne ménage pas la hiérarchie. Il estime que l’institution traverse sa crise la plus grave depuis la Réforme il y a 500 ans, pas moins. L’organisation demande au Vatican de revoir ses positions sur le célibat des prêtres, le rôle des femmes ou les homosexuels. Elle dénonce une structure trop peu démocratique et un voyage où l’apparat et la mise en scène médiatique seraient plus importants que le contenu.

« Wir sind Kirche » mène son combat à travers des discussions policées, des débats et autres interviews. D’autres organisations se veulent plus offensives. Ce jeudi, une soixante d’associations familiales, féministes, laïques ou homosexuelles appellent à manifester à Berlin durant le discours du pape au Parlement. Un discours qu’une centaine de députés veulent boycotter estimant qu’il remet en cause les principes laïcs et la nécessaire neutralité de l’Etat.

L’étape berlinoise du voyage de Benoit XVI constituera la partie la plus politique de son déplacement. A part son discours devant le Parlement, il rencontrera les principaux dirigeants politiques allemands, mais aussi les responsables de la communauté juive avant de célébrer une grande messe au stade olympique.

Les deux autres étapes, en Thuringe dans l’ex-RDA et à Fribourg, près de la frontière avec la France, seront plus pastorales. A Erfurt, Benoit XVI se rendra sur les lieux où Martin Luther, le père de la réforme a vécu avant de rompre avec l’Eglise catholique. Le geste n’est pas anodin. Beaucoup souhaiteraient que le pape aille plus loin pour sceller la réconciliation avec les protestants après avoir estimé dans le passé que l’Eglise évangélique ne méritait pas ce nom... Et un discours prononcé à Ratisbonne avait provoqué de vives frictions avec le monde musulman laissant penser que l’islam avait une prédisposition naturelle à la violence.

En Thuringe comme à Fribourg, d’énormes messes en plein air seront célébrées. Un dispositif de sécurité impressionnant a été déployé lors des différentes étapes du pape avec des milliers de policiers, des autoroutes bloquées à la circulation, des matchs de foot repoussés, des bouches d’égoût scellées, des riverains qui sur son passage n’ont pas le droit d’ouvrir leurs fenêtres. Ce dispositif comme les coûts en général du voyage – plusieurs dizaines de millions d’euros – ont aussi alimenté la polémique autour du séjour du pape allemand que le magazine Der Spiegel a appelé cette semaine « l’étranger ».

Zuletzt geändert am 22­.09.2011